Une revue de la littérature internationale musclée…
Encore un article sur la dysmorphie musculaire me direz vous, et oui, mais un article scientifique qui fait l’état des lieux des connaissances actuelles sur le sujet, et publié dans la revue de psychiatrie française de la Société Médico Psychologique (SMP).
Non sans surprises, le constat est aussi copieux que complexe. Ce que nous apprenons des 40 articles recensés dans notre revue de littérature, c’est que la dysmorphie musculaire présente une prévalence entre 5,9 % à 44 %. Pourquoi une telle diversité de prévalence? Les populations sont hétérogènes, passant du tout venant aux compétiteurs bodybuilding, plus vulnérables à la dysmorphie musculaire du fait de leur obsession du muscle dans leur pratique sportive.
Les relations entre la dysmorphie musculaire et ses voisins psychopathologiques sont mis en exergues dans leurs similarités et les divergences. Les troubles du comportement alimentaires occupent une place importante de notre analyse, partant du premier article où la dysmorphie musculaire était comparée à de l’anorexie inversée « reverse anorexia« . Les différentes recherches s’étant succédées ont pu mettre en avant les proximités éthiopathogéniques de ces deux pathologies, notamment avec des facteurs tels que les affects négatifs, l’estime de soi, l’influence sociale, la dépendance au sport, l’insatisfaction corporelle etc…
La dysmorphophobie corporelle est actuellement l’entité nosographique dans laquelle se classe la dysmorphie musculaire au sein du DSM-V. Le point de parenté entre la dysmorphie musculaire et les dysmorphophobies corporelles repose sur l’obsession d’une partie du corps (la musculature et le galbe en l’occurrence), avec des comportements de vérification corporelle (body-checking), ainsi qu’une plus grande propension à la dépression et aux consommations de substances améliorant la performance.
De plus, nous abordons la complexité de la représentation sociale des corps hypermusclés comme archétype du genre masculin, venant grandement influencer le niveau de musculature attendu chez les sujets présentant la dysmorphie musculaire. Ces messages sont transmis par des codes sociaux ainsi que les médias.
Nous terminons notre analyse de la littérature sur les consommations à risque, notamment de substances dopantes, qui sont malheureusement légions chez les personnes présentant les symptômes de la dysmorphie musculaire et pratiquant le bodybuilding.
Ce qu’il faut retenir de l’article est la complexité psychopathologique de la dysmorphie musculaire et sa parenté proche avec d’autres affections psychologiques (TCA, dysmorphophobies corporelles, troubles obsessionnels compulsifs, addictions…). Il faut néanmoins ajouter une précision essentielle. C’est que la dysmorphie musculaire est présente dans la population générale, touchant les sportifs ou non sportifs, pratiquant les sports de force ou non. La plus grande vulnérabilité des pratiquants des salles de fitness s’explique par un ensemble de bénéfices trouvés dans la pratique de la musculation pour réguler une image de soi blessée. Cette vision de la dysmorphie musculaire pourrait se comparer à celle présente chez les personnes souffrant d’anorexie, régulant leur poids par la pratique excessive du sport comme le ferait des personnes souffrant de dysmorphie musculaire pour réguler leur musculature.
En attendant je vous souhaite une bonne lecture, et un bon training pour ceux qui y jetteraient un coup d’œil pendant le cardio !
Sportez vous bien !
Jérôme CUADRADO
Cuadrado J, et al. Psychopathologie de la dysmorphie musculaire : analyse critique de la littérature internationale. Ann Med Psychol (Paris) (2018), https://doi.org/10.1016/j.amp.2018.09.005
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