Dysmorphie musculaire, Complexe d’Adonis, Bigorexie, Dysmorphophobie musculaire, orthorexie… Quand la quête de muscle devient symptôme…
POINT DÉFINITION
Beaucoup d’articles sont paru dernièrement sur la toile concernant cette addiction à la musculation appelée dans une confusion nosographique un peu raccourcie : bigorexie, dysmorphie musculaire, complexe d’Adonis, dysmorphophobie musculaire…
- Bigorexie
Certains auteurs comme Mosley (2008) définissent les comportements associés à la recherche obsessionnelle de plus de muscles (diète excessive, sur-entrainement, pensées fixes de ne pas être assez muscles) comme étant le tableau type de la Bigorexie, dans lequel nous pouvons trouver la dysmorphie musculaire.
Le problème demeure cependant, le terme bigorexie n’appartient a aucune oeuvre de référence sur les troubles psy, absente du DSM IV et V. C’est un terme que nous retrouvons partout cependant, et qui est définie dans le sens commun comme une addiction au sport. On pourrait l’interpréter comme l’addiction comportemental au sport (sport de façon indifférencié). Nous pourrions donc comprendre la dysmorphie musculaire comme une bigorexie à la musculation… si l’individu souffre d’une addiction à la salle, et ne peux pas se passer d’aller à la salle, sous peine de souffrir les pires tourments.
Nous retrouvons des individus souffrant de bigorexie à travers la musculation (et qui peuvent aussi souffrir de dysmorphie musculaire), des runners qui ne peuvent se passer du footing…
- Orthorexie
L’orthorexie se défini comme un désir et une préoccupation massive concernant la rigueur alimentaire. La pensée obsessionnelle de vouloir bien s’alimenter, de manière équilibrée et saine, majorée par une préoccupation sur l’état de santé ou le besoin de prendre soin de certaines maladies est un symptôme prédominant. On classe cette pathologie dans les troubles du comportement alimentaire, cependant il n’est pas répertorié dans le manuel de diagnostique DSM-V.
- Dysmorphophobie Corporelle
Les Dysmorphophobies corporelles sont une peur irraisonnée concernant une partie du corps sur investie par l’individu, avec comme préoccupation principale l’idée que cette partie du corps est « difforme ». La préoccupation concernant cette difformité ou défaut physique peut être imaginaire, ou si un défaut physique est apparent, la préoccupation est manifestement démesurée. Les individus souffrant de dysmorphophobie corporelle passent chaque jour plusieurs heures devant le miroir a essayer de camoufler ou trouver ce défaut. Cette pathologie a souvent des répercutions sur la vie quotidienne et l’estime de soi.
QU’EST CE QUE LA DYSMORPHIE MUSCULAIRE?
Conceptualisé par H.G Pope en 2000, les premières descriptions de la Dysmorphie musculaire s’étayaient sur la ressemblance que pouvait avoir cette symptomatologie avec les troubles du comportement alimentaire chez des sujets en quête d’une beauté éphémère, avec le muscle et l’apparence physique pour objet convoité. C’est ainsi que se justifie l’utilisation de mythe d’Adonis pour développer « Le complexe d’Adonis ». De nombreux auteurs ont cherché à affiner la description de la Dysmorphie musculaire à travers une vision très nosographique, tantôt un trouble du comportement alimentaire, tantôt une Dysmorphophobie, tantôt un trouble obsessif compulsif ou dernièrement une addiction à l’image du corps. Actuellement catégorisée comme une sous-entité nosographique des troubles somatoformes dans le DSM-IV TR et des dysmorphophobies corporelles dans le DSM-V, la dysmorphie musculaire se définie comme tel :
Nous pouvons cependant supposer que les formes cliniques dépendent d’un ensemble de facteurs non considérés par la recherche à cause de critères de scientificité excluant la dynamique psychique comme : les structures psychiques, la dynamique des mouvements psychiques, les aménagements caractériels, le type d’angoisse exprimée, les relations d’objet ou encore la nature des conflits amenant la manifestation de ce genre de comportements pathologiques.
PRÉVALENCE DE LA DYSMORPHIE MUSCULAIRE
La prévalence de la dysmorphie musculaire varie selon les populations étudiées. Dans leur revue de littérature, Celso et al. (20015) mentionnent une prévalence entre 13.6% à 44% et Tod et al. (2016) mentionnent une prévalence de 1 à 54%. Les taux les plus bas se retrouvent dans la population générale avec 5.9% dans l’étude de Bo et al. (2014) constitué d’étudiants à l’Université et jusqu’à 16.9% dans une population constituée de participants recrutés sur différents sites (Hildebrandt et al., 2006). Les populations Bodybuilders et Weightlifers présentent plus de vulnérabilités que les populations générales concernant la Dysmorphie musculaire (Schneider et al. 2016) ainsi qu’un tableau plus important de comorbidités psychiatriques telles que l’anxiété, la dépression, le perfectionnisme et une faible estime de soi (Mitchell et al., 2016). La prévalence est de 100% chez les femmes pratiquant le weightlifting et consommant des stéroïdes anabolisants (AAS) et 80% lorsqu’elles ne consomment pas d’AAS (Gruber and pope, 2000) ; 53.6% dans une population de weightlifters Africains (Hitzeroth et al., 2001), et 25% dans une population présentant un trouble Dysmorphophobique diagnostiqué (H.G. Pope. et al., 2005). Cette vulnérabilité chez ces populations s’expliquerait par une plus forte expression du désir de muscle « drive for muscle » chez les Powerlifters et Bodybuilders (Hale et al., 2010).
TRANS-NOSOGRAPHIE DE LA DYSMORPHIE MUSCULAIRE
La dysmorphie musculaire possède des caractéristiques en lien avec le Body Dismorphic Disorder (BBD, Dysmorphie corporelle) (Pope et al, 1997), l’Obsessive Compulsive Disorder (OCDs, trouble obsessif compulsif) (Maida & Armstrong, 2005 ; Grieve, 2009), les troubles du comportement alimentaire ou Eating Disorders (Olivardia, 2000 ; J. Lamanna 2010) et l’addiction à l’image du corps (Grant, J. E., 2015).
D’une approche plus globale, les auteurs comme Maida et Amstrong (2005) ont démontré l’interaction qu’il pouvait y avoir entre les symptômes obsessifs-compulsifs, l’insatisfaction corporelle, les symptômes de dysmorphophobie et les symptômes d’hostilité sur le développement de la symptomatologie de la Dysmorphie Musculaire. La poursuite de l’idéal Musculaire a été étudié par Cafri et al. (2005) avec ses conséquences et potentiels facteurs de risque, intégrant une vision intégrative des facteurs qui amènent l’individu à rechercher le développement de sa musculature ; notamment à travers les facteurs biologiques, sociaux, sportifs, de comparaison sociale, de distorsion de l’image du corps et les conséquences sur les comportements à risque (prise de stéroïdes, de précurseurs hormonaux, diète extrême) et les conséquences psychologiques (affects négatifs et mauvaise estime de soi).
Grieve (2007) a proposé un modèle conceptuel de facteurs contribuant au développement de la dysmorphie musculaire : Perfectionnisme, masse corporelle, sport, pression des médias, Internalisation de l’idéal Corporel, Affects négatifs, Insatisfaction corporelle, distorsion de l’image du corps. Ces tentatives de modélisation des facteurs contribuant au développement de la Dysmorphie Musculaire nous démontre bien à quel point il existe d’importantes interactions entre une multitudes de variables, et que la classification de la Dysmorphie Musculaire en tant qu’entité nosographique à part entière n’a pas été démontré scientifiquement (Celso et al, 2015).

« The underlying factor that accounts for the relationships between MD, BDD, EDs, and OCD is likely body image disturbance, which includes deficits in body-specific perceptual, cognitive, emotional, and behavioral domains »
« Le facteur sous-jacent qui explique les relations entre la dysmorphie musculaire, les dysmorphophobies corporelles, les troubles du comportement alimentaire et les troubles obsessifs compulsifs est probablement un perturbation de l’image corporelle, qui comprend des déficits dans des domaines perceptuels, cognitifs, émotionnels et comportementaux spécifiques au corps »
(Hildebrandt et al., 2006).
BIBLIOGRAPHIE
Bo, Simona, Rossana Zoccali, Valentina Ponzo, Laura Soldati, Luca De Carli, Andrea Benso, Elisabetta Fea, et al. “University Courses, Eating Problems and Muscle Dysmorphia: Are There Any Associations?” J Transl Med 12 (2014): 221.
Cafri, Guy, Patricia van den Berg, and J. Kevin Thompson. “Pursuit of Muscularity in Adolescent Boys: Relations Among Biopsychosocial Variables and Clinical Outcomes.” Journal of Clinical Child & Adolescent Psychology 35, no. 2 (May 2006): 283–91. doi:10.1207/s15374424jccp3502_12.
Grieve, Frederick G. “A Conceptual Model of Factors Contributing to the Development of Muscle Dysmorphia.” Eating Disorders 15, no. 1 (January 2007): 63–80. doi:10.1080/10640260601044535.
Gruber, A. J., & Pope, H. G. “Compulsive Weight Lifting and Anabolic Drug Abuse Among Women Rape Victims”. Comprehensive Psychiatry, Vol. 40, No. 4 (July-August),1999 : pp 273-277.
Hitzeroth V, Wessels C, Zungu-Dirwayi, et al. (2001) Muscle dysmorphia: A South African sample. Psychiatry and Clinical Neurosciences 55(5): 521–523.
Pope, H. G., Jr., Gruber, A. J., Choi, P., Olivardia, R., & Phillips, K. A. (1997). Muscle dysmorphia: An underrecognized form of body dysmorphic disorder. Psychosomatics,38, 548–557.
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