ARTICLE DE RECHERCHE _ Comment évaluer la dysmorphie musculaire : une revue de littérature internationale.

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RÉSUME DE L’ÉTUDE

Au cœur de la controverse, la dysmorphie musculaire subit encore de nombreux questionnements quant à son appartenance nosographique. La légitimité de son entrée dans le DSM-V en 2013 en tant que dysmorphophobie corporelle spécifique fut rapidement associée à un manque de rigueur méthodologique face au non-respect des guidelines nécessaires à l’inscription de toute maladie mentale au sein de cette classification. Ainsi, un réel travail de zététique se justifie pour cadrer la définition de la dysmorphie musculaire et de ses moyens d’évaluations. Ce qui constituera un préambule à tout travail réflexif qui aidera à éclaircir la place adéquate de la dysmorphie musculaire dans les classifications des maladies mentales. Notre travail de revue de la littérature s’est intéressé aux publications entre 1997 et 2019 sur le développement d’outils évaluant la dysmorphie musculaire. Ce qui a abouti à i) un listing exhaustif des outils hétérogènes utilisés, ii) à la mise en exergue du décalage entre les critères d’évaluation de la dysmorphie musculaire et sa définition nosographique ainsi que de iii) la production de guidelines quant à son dépistage. De futurs travaux sur l’identité de la dysmorphie musculaire en clinique devront servir à enrichir les connaissances actuelles recueillies à partir des cohortes de recherches ces vingt dernières années et in fine, à repenser notre façon d’évaluer la dysmorphie musculaire.  

QUE FAUT – IL RETENIR ?

Thématique de recherche principalement étudiée par des équipes Anglo-Saxonnes, ont permis de développer une multitude d’étude depuis les première formulations du concept de « dysmorphie musculaire » en 1997 par H.G Pope. Nous avons pu retenir plusieurs outils qui apparaissaient comme pertinents pour évaluer la symptomatologie de la dysmorphie musculaire, avec 1) une approche basée sur les critères développés en recherche, ou 2) une approche centrée sur les critères du DSM-V.

L’approche en recherche fut construite sur les bases des critères amenés par H.G Pope en 1997, et légèrement reformulés par Olivardia en 2001. Ces critères sont intéressants à prendre en considération dans une approche de terrain, avec une structuration reprenant fidèlement les critères relevés dans la littérature, entre l’obsession portée sur le corps, les pratiques problématiques de l’activité physique (musculation principalement) mais aussi la diète.

Dysmorphie Critère recherche

L’approche du DSM-V reprend les critères des dysmorphophobies corporelles (peur d’une dysmorphie corporelle), en y spécifiant su dysmorphie musculaire ou non. L’approche est très réduite, et forclos complétement l’approche des comportements et attitudes caractéristiques amenées par les chercheurs, notamment sur les comportements de pratiques problématiques de l’activité physique dans la dysmorphie musculaire.

Muscle Dysmorphia_DSM_V

Notre scoping review a pu mettre en avant le fossé entre les critères officiels de la dysmorphie musculaire dans les manuels de références, et les critères communément utilisés en recherche qui se basent sur la première formulation de ceux ci 1997,2001. Cet écart fut mentionné comme un élément qui pourrait invalider la rentrée officielle de la dysmorphie musculaire au sein des classifications, du fait d’un écart trop conséquent entre ces deux formulations, mais aussi en l’absence d’une harmonisation des outils de recherche ou encore concernant le manque d’étude clinique (études de cas ou évaluation de protocole de soin).

Nous avons pu lister 12 outils fréquemment utilisés dans les recherches sur la dysmorphie musculaire, afin d’en évaluer la symptomatologie ou d’attester de la présence ou non de ce trouble (avec présence de cut of pour certains). Les outils souvent utilisés étaient : l’IMC/BMI, le FMI, le FFMI, le BIG-O (Bodybuilder Image Gride Original), le DMS (Drive for Muscularity Scale), le MASS (Muscle Appareance Satisfaction Scale), le MDDI (Muscle Dysmorphic Disorder Inventory), le MDI (Muscle Dysmorphia Inventory), le DMAQ (Drive for Muscularity Attitude Questionnaire), le MBAS (Muscularity Body Attitude Scale), le MBDS (Male Body Dissatisfaction Scale), le MBCQ (Male Body Checking Questionnaire), le MBT (Male Body Talk scale) et le FMS (Female Muscularity Scale).

L’hétérogénéité des outils développés, le manque de cut-off, ou encore le décalage manifeste entre critères diagnostiques du DSM-V et ceux de la recherche, ne peuvent qu’amener un flou conséquent pour la compréhension de cette thématique complexe, et encore plus lorsqu’une utilisation de terrain peut en être faite. Ainsi, une approche holistique ne peut être que conseillée afin de pallier à ces manquements qui alimentent encore les débats sur sa classification.

Dr. Jérôme CUADRADO

RÉFÉRENCES

Cuadrado, J., Morin, J., Hernandez, P., Yubero, E., Bégin, C., & Michel, G. (2018). Psychopathologie de la dysmorphie musculaire : Analyse critique de la littérature internationale. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 176(9), 919‑927. https://doi.org/10.1016/j.amp.2018.09.005

Cuadrado, J., Hernandez-Comte, A., Narbaits-Jaureguy, M., & Michel, G. (2021). Les « Drive for » dans la dysmorphie musculaire : Critique de la littérature internationale. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique. https://doi.org/10.1016/j.amp.2020.12.006

Cuadrado, J., Meyer, É., Chadapeaud, L., Cheval, Y., Cornet, C., Hernandez-Comte, A., & Michel, G. (2022). Comment évaluer la dysmorphie musculaire ? Un état de l’art international. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 180(6), 554‑565. https://doi.org/10.1016/j.amp.2022.04.001

Cuadrado, J., Reynaud, D., Legigan, C., O’Brien, K., & Michel, G. (2022). “Muscle Pics”, a new body-checking behavior in muscle dysmorphia? L’Encéphale, S0013700622000045. https://doi.org/10.1016/j.encep.2021.11.004

Pope Jr HG, Gruber AJ, Choi P, Olivardia R, Phillips KA. Muscle dysmorphia: an underrecognized form of body dysmorphic disorder. Psychosomatics 1997;38(6):548–57.

Olivardia, R. (2001). Mirror, mirror on the wall, who’s the largest of them all? The features and phenomenology of muscle dysmorphia. Harvard review of psychiatry, 9(5), 254‑259.

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